"Le jour s'en va. Voici que brûle une lampe dans la prison.
Nous sommes seuls dans ma cellule. Belle clarté chère raison ". Guillaume Apollinaire
En décembre 2018, j'ai publié un billet « L'objet de nos désirs » dans lequel je parlais de cette difficulté de se détacher de ses possessions et de quitter sa maison. Je parlais surtout de Jean-Marie qui vit depuis dans un CHSLD à Montréal.
Dans ces temps sombres et douloureux, j'ai eu envie de vous donner de ses nouvelles. À la question: Et puis Jean-Marie, comment ça va ? Il répond sans hésitation: ça va très bien ! Vraiment ? Tu es sûr ? Voyons, ça va mal partout il doit bien y avoir quelque chose qui ne va pas !
Se sentant coincé, il avoue qu'il y a quand même certaines choses qui clochent. « Il y a bien cette satanée télécommande du téléviseur que je n'arrive pas toujours à faire fonctionner ». Ah bien oui la télécommande ! Il faut dire que Jean-Marie n'en est pas à ses premières démêlées avec cet objet.
Il avoue aussi que son petit apéro en compagnie de ses soeurs lui manque. « Mais tu peux t'en servir un quand même » l'encouragent-elles, mais ce n’est pas la même chose. Ça n’a pas si bon goût.
Il ne se plaint pas Jean-Marie. Il a depuis longtemps appris à apprivoiser la solitude. Il a accepté les pertes qui sont venues une à une lui gruger son autonomie. Il faut dire qu'il a la chance, et s'en est toute une, de vivre dans un Centre qui n'a pas été affecté pour le moment par le virus.
Il occupe ses journées comme il peut. Il lit Le Devoir en jetant de temps en temps un regard par la fenêtre, là où tout s'est figé. Il donne de ses nouvelles grâce au téléphone, c'est quand même réconfortant la voix humaine. Il prend ses repas, seul. Il regarde la télé aussi, parfois en anglais parce qu'il ne réussit pas à changer le poste avec cette satanée télécommande. Il regarde encore par la fenêtre, ferme les rideaux et se couche pour la nuit. Cette vie qui est la sienne lui convient et c'est en quelque sorte admirable.
Il s'ennuie quand même de voir des visages. Lorsque les préposées lui apportent des soins et les repas dans sa chambre, elles sont masquées. Il a l'impression d'être tenu à distance. Mais on prend bien soin de lui et il ne manque de rien si ce n'est que de la présence de ses proches. Cette présence qui permet d'adoucir la vie et de sentir que l'on fait encore partie de ce monde, notre monde aussi imparfait soit-il.
N.B: Une pensée bien spéciale pour tous ces préposés dévoués et attentionnés. Merci d'agir au service de la communauté humaine. Puissent-ils être reconnus à leur juste valeur.
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