Lorsque je veux me recréer, je cherche le bois le plus sombre, le marais le plus touffu, le plus interminable et, aux yeux du citadin, le plus affreux. Je pénètre dans un marais comme en un lieu sacré (...) et la même terre est bonne pour les hommes et pour les arbres.
Henri David Thoreau
Il m'arrive de souhaiter être née à une époque où il existait encore des contrées où l'humain n'avait pas posé le regard. Un temps où les glaciers restaient debout, de nouvelles fleurs jaillissaient des sols humides et la tourte voyageuse traversait le ciel de mai. Un temps sans doute rempli de peurs et d'incertitudes, mais pas celle de voir la vie disparaitre à tout jamais.
Je ne crois plus ces négateurs qui tentent de nous convaincre que le climat se réchauffe comme il s'est toujours réchauffé dans le passé ou qu'un miracle technologique nous sauvera à la dernière minute comme dans les films d'Hollywood. Ne croyez pas non plus leurs chimères. Ils nous entraineront avant l'heure au fond du gouffre.
Il est difficile de remettre en question nos façons d'appréhender cette planète sur laquelle nous sommes tous confinés. La tentation du voyage fait partie de nous. Nous voyageons aux confins du monde comme pour faire un pied de nez à la gravité qui nous cloue sur le sol de nos aïeux. Et toutes ces ascensions des plus hauts sommets qui nous extraient pour un instant de ce monde devenu trop petit. En voulant ainsi nous évader, nous finissons par tous nous retrouver dans les mêmes villes, les mêmes sentiers, les mêmes rêves. Les paysages sont usés à la corde. Il nous faut aller toujours plus loin pour trouver cette virginité présumée. Comme si le beau, l'exotique, la rencontre avec l'autre devaient nécessairement se trouver ailleurs. Je comprends fort bien ce sentiment, cette puissante envie d'être dépaysé, d'être à nouveau dans l'enfance de sa vie lorsque tout était découverte. Je la ressens et m'en priver serait un deuil. Mais, si seuls les voyages nous permettent d'y arriver alors il est peut-être temps de se questionner sur notre façon d'habiter ce monde.
Cette année de pandémie nous aura obligés à devenir malgré nous des voyageurs de proximité, mais un temps viendra où les barrières seront levées et avec elles nos choix reviendront. Le choix de voir dans l'apparente banalité des paysages qui nous entoure toute la beauté du monde. De voir dans cet élan vers nos voisins et vers la nature ces rencontres tant recherchées. Le choix d'entreprendre ensemble le voyage de retour, le retour d'un monde rendu vivable et solidaire. Un retour à soi.
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