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Par la fenêtre

Deux hommes regardent par une fenêtre de prison : l’un voit les barreaux, l’autre, les étoiles.

Anonyme


Notre fenêtre est à hauteur de rue. Nous y voyons le monde du point de vue d'un brin d'herbe. Un peu comme si nous vivions sous terre et jetions à l'occasion un oeil sur le monde du dehors pour voir ce qui se trame.


Depuis la grande isolation, nous passons beaucoup de temps à regarder par cette fenêtre. On a vu le printemps arrivé sur la pointe des pieds. Des petits bouts de feuilles vertes viennent d'ailleurs d'apparaître mettant enfin un peu de couleur dans ce décor en noir et blanc.


En face de nous, un gros érable abrite une famille d'écureuils. Tous les jours, nous les voyons monter et descendre et mener ainsi leur vie d'écureuil.


Chaque matin, le petit voisin d'en face regarde aussi par la fenêtre. Ses parents ont installé une mangeoire d'oiseaux; avoir accès aux oiseaux est presque devenu un privilège par les temps qui courent.


Il y a les marcheurs aussi. On les voit désormais se tenir à distance les un des autres, comme cette femme qui accompagne sa mère dans sa promenade quotidienne, ces soeurs qui s'arrêtent pour échanger sur les perrons des maisons ou bien ce monsieur avec son déambulateur qui marche tous les jours beau temps mauvais temps un peu comme un Rimbaud des temps modernes qui ayant marché sa vie durant disait de lui-même: "Je suis un piéton, rien de plus".


Plusieurs fois par semaine, nous voyons un camion s'arrêter devant la porte: une livraison! Déception quand ce n'est pas pour nous, oh Joie! quand le colis nous est destiné! La plupart du temps, c'est notre épicerie, mais parfois, c'est autre chose: un livre, du thé, une casquette, du vin, des semences. À chaque fois, on se précipite sur la boîte comme si c'était une surprise, un cadeau; on a la joie facile.


Le plus beau, c'est quand petit-fils nous rend visite. Il se met à genoux et passe la tête par la fenêtre et l'on pique une jasette. On chante, on danse, on se donne en spectacle. Il nous regarde intrigué un peu comme s'il était au zoo devant la cage des singes. À défaut de baisers, on s'échange des roches trouvées sur le bord de la fenêtre.


Et puis un beau jour, le plus beau spectacle qui nous est donné de voir se produit sous nos yeux; petit-fils fait ses premiers pas! Trois petits pas et c'est déjà le début de la longue marche, car une une fois debout, petit-fils ne tiendra désormais plus en place.


J'ai déjà hâte à ces promenades en sa compagnie peuplées de bêtes fabuleuses dans le feuillage des arbres, aux cailloux qu'on ramasse le long du chemin comme des trésors au fond des poches et bien sûr tous ces petits genoux éraflés qui seront autant d'occasion d'apprendre à se relever et à continuer sans cesse.


Notre fenêtre est à hauteur de rue, là où la vie se passe.










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